miércoles, mayo 30, 2007

Sobre Julien Gracq

CLÁSICOS

Jean François Fogel

Dos sobres en mi buzón: la revista francesa Le magazine littéraire dedica su tapa a "Julien Gracq, le dernier des classiques" y Ñ, la revista de cultura del diario argentino Clarín propone en la portada "Onetti, la poesía del fracaso". Nada que ver: son dos escritores con ningún vinculo obvio pero creo que son dos maestros y, además, dos personas que conocí alguna vez en mi vida.

Gracq está vivo. Tiene 97 años. Vive cerca del río Loire. No ha publicado nada en los últimos quince años y dice muy claramente en la entrevista que no publicará nada en adelante. Y a pesar de esto, queda como la figura mayor, digna e inalcanzable de las letras francesas. Fue el primer escritor incorporado durante su vida en la "Bibliothèque de la Pléiade". La revista le dedica un número que es un homenaje inmenso. Sé que Gracq es un desconocido en el mundo hispanohablante. Su literatura es la del clasicismo dominado: una literatura de fragmentos a partir de la lectura de los maestros. Sobre Chateaubriand, sobre Rimbaud, sobre todo el siglo XIX, Gracq tiene la última palabra sin pretender tenerla. El mejor de estos libros es En lisant en ecrivant (Al leer al escribir) que es imposible de resumir. Gracq es un clásico por acercamiento continuo a los clásicos.

Me parece que Onetti es todo lo contrario. Llegó a ser un clásico con novelas que contaban la búsqueda del prostíbulo perfecto. Su lenguaje, directo, muy inspirado por la literatura policíaca, fue una renovación/creación del castellano. En la revista hay también una entrevista, con Dorotea Muhr, la viuda del escritor. Es solo una página pero llena el corazón de tristeza. Es la gran historia del exilio. Dolly (su apodo) dice que iba a Montevideo para fotografiar las calles cuando Onetti vivía en España sin posibilidad de volver a su país. Todo lo contrario de Gracq, por supuesto. Onetti no buscó a los clásicos sino al hampa triste del cono sur, para hundirse en el humo de una confitería donde sonaba un disco de Gardel. Escribir algo perfecto era para él inalcanzable. Dolly dice que Onetti hablaba a veces en sueños y se despertaba preguntándole si recordaba sus palabras. "Yo le contestaba que no y él me lo reprochaba diciéndome que era una lástima porque este sueño era un cuento perfecto"...

La bulle de l'écrivain

Pierre Assouline

Non, Julien Gracq ne m'obsède pas. Mais ce qui m'avait un peu échappé à la première lecture de son interview écrite dans le Magazine littéraire dont je vous ai touché un mot il y a quelques jours, me frappe à la relecture. Juste un passage, une digression d'une remarquable clarté qu'il place lui-même entre parenthèses lorsque son questionneur lui demande s'il décèle les moments de rupture dans son oeuvre, s'il distingue les césures et les périodes. C'est peut-être parce que je le vis ainsi, surtout en période d'écriture intense, c'est à dire en ce moment, mais la digression de Gracq m'est apparue lumineuse :

"Une des particularités de l'écrivain, et qui conditionne profondément son oeuvre, me semble être -s'il n'est pas un polygraphe plus ou moins assujetti à la commande des éditeurs- qu'il secrète de bonne heure autour de lui une bulle, liée à ses goûts, à sa culture, à son climat intérieur, à ses lectures et rêveries familières, et qui promène partout avec lui, autour de lui, une pièce à vivre, un "intérieur" façonné à sa mesure souvent dès la vingtième année, où il a ses repères, ses idoles familières, ses dieux du foyer, où son for intérieur se sent protégé contre les intempéries et à l'aise. Sans l'existence de cette bulle protectrice, deux choses demeurent mal explicables. D'abord que l'oeuvre d'un écrivain reste dans son ensemble cohérente et articulée au milieu d'un monde déchaîné-le XXème siècle pour ma génération- qui n'a souvent été que catastrophes, renversements brutaux, guerres d'extermination et mutation accélérée de toutes ses structures sociales, comme de son environnement technique. Et sans cette "bulle", il est difficile aussi de comprendre une certaine indifférence de l'écrivain aux vicissitudes de la vie littéraire à laquelle il se trouve mêlé. Il n'est en général ni un grand découvreur de talents nouveaux, ni un lecteur boulimique de ses contemporains. Il se nourrit de son temps, mais il se protège aussi de ses agressions. Il nous semble, à distance, avoir traversé son époque comme le capitaine Nemo dans Jules Verne traverse les océans, passionné par le spectacle, mais toujours derrière la vitre à l'abri de laquelle il a son orgue et sa bibliothèque, et qu'il ne quitte que pour de brèves incursions et descentes dans les abîmes extérieurs. La cohésion de l'oeuvre de l'écrivain est à ce prix; vers la fin de sa vie sa dominante, en fait de lecture, devient souvent la relecture, signature ultime d'une vie intérieure toujours sur la défensive, qui s'est arc-boutée contre les événements qui le menaçaient dans sa continuité organique, tout autant qu'elle en a nourri, une fois filtrés, sa substance littéraire".

On le sait, un chef d'oeuvre, c'est le livre, le tableau, le film qui vous explique ce qui vous arrive mieux que vous ne sauriez le faire. Ca peut être un paragraphe dans un entretien et il n'est pas indispensable d'avoir 97 ans pour ressentir une grande partie de ce que ressent l'auteur de ces lignes.

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