En visite présidentielle aux Etats-Unis, Sarkozy réaffirme son attachement à un pays en froid avec la France depuis 2003.
FRANÇOIS NOUDELMANN
En venant à Washington déclarer l’amour de la France pour les Etats-Unis, le président Sarkozy sait-il vraiment à qui il s’adresse ? Bush lui-même se désole de ne plus reconnaître son pays, après l’avoir embarqué dans une guerre désastreuse. L’heure de la retraite a provoqué un grand doute des Américains sur leur puissance, ébranlée depuis le 11 Septembre.
Hier, Sarkozy a déclaré au Congrès son admiration inconditionnelle des Etats-Unis par une suite de clichés emphatiques. Citant Elvis Presley et Martin Luther King, il a célébré le rêve américain, sa «force morale et spirituelle». Mais l’amour ne fonde pas une politique et l’Amérique à venir existe désormais ailleurs. Elle vit dans un chaos difficile à imaginer pour ses adversaires comme pour ses admirateurs.
Faillite. Très différent de l’après-Vietnam, le paysage idéologique se reconfigure sur un champ dévasté. Les Américains ne font plus la guerre au nom de la liberté universelle et ils doivent assumer une faillite de leurs valeurs fondatrices. Paradoxalement la droite morale et néoconservatrice aura légitimé la torture et l’immunité des mercenaires. Son nietzschéisme simpliste l’a conduite à juger le souci du droit comme une revendication de pays faibles.
L’après-Bush a déjà commencé, comme le montrent les nombreux films grand public qui sortent pour dénoncer les mensonges et les manipulations de l’administration américaine. Et les médias ne craignent plus de paraître antipatriotiques en critiquant Guantanamo ou la surenchère guerrière. Cependant l’opposition politique n’a pas encore trouvé la relève car elle doit d’abord mesurer les évolutions d’une population très composite.
La campagne électorale précoce s’annonce passionnante, d’autant que l’affrontement traditionnel entre républicains et démocrates ne reconduit pas exactement ses lignes de partage. Le succès présent de Rudy Giuliani parmi les prétendants républicains signale un tel déplacement. Marié trois fois, favorable au droit à l’avortement et au mariage homosexuel, il déroge au profil attendu. Certes, il soutient les faucons pour bombarder l’Iran et prône un allégement des impôts, mais ses positions indiquent que l’ordre moral n’est plus une priorité des électeurs. Sa désignation sonnerait la défaite de la droite religieuse.
Bas les masques. Du côté démocrate, l’avance confortable d’Hillary Clinton ne peut masquer son attentisme politique en passe d’éclater sur les questions sociales. Samedi dernier, son principal concurrent Barak Obama fut l’invité surprise d’une émission télévisée qui présentait une parodie des Clinton recevant les prétendants démocrates le soir d’Halloween. Un faux Richardson venait proposer à Hillary les voix des Hispaniques pour devenir son vice-président. Puis Obama surgit et enleva son déguisement de candidat noir pour apparaître lui-même. «Bas les masques !», sembla signifier ce jeune candidat qui veut incarner une nouvelle Amérique.
En attendant cette vérité, les relations franco-américaines sont condamnées à la parodie, celle de George Washington et La Fayette en habits d’Halloween. En Europe, les pro et les antiaméricains s’imaginent toujours l’Amérique comme un bloc de puissance alors qu’elle est en pleine recomposition. Plutôt que jouer la comédie du remariage, la diplomatie française doit se poser cette question: comment adresser son désir d’amour quand l’autre ne sait plus qui il est ni où il va ?
FRANÇOIS NOUDELMANN
En venant à Washington déclarer l’amour de la France pour les Etats-Unis, le président Sarkozy sait-il vraiment à qui il s’adresse ? Bush lui-même se désole de ne plus reconnaître son pays, après l’avoir embarqué dans une guerre désastreuse. L’heure de la retraite a provoqué un grand doute des Américains sur leur puissance, ébranlée depuis le 11 Septembre.
Hier, Sarkozy a déclaré au Congrès son admiration inconditionnelle des Etats-Unis par une suite de clichés emphatiques. Citant Elvis Presley et Martin Luther King, il a célébré le rêve américain, sa «force morale et spirituelle». Mais l’amour ne fonde pas une politique et l’Amérique à venir existe désormais ailleurs. Elle vit dans un chaos difficile à imaginer pour ses adversaires comme pour ses admirateurs.
Faillite. Très différent de l’après-Vietnam, le paysage idéologique se reconfigure sur un champ dévasté. Les Américains ne font plus la guerre au nom de la liberté universelle et ils doivent assumer une faillite de leurs valeurs fondatrices. Paradoxalement la droite morale et néoconservatrice aura légitimé la torture et l’immunité des mercenaires. Son nietzschéisme simpliste l’a conduite à juger le souci du droit comme une revendication de pays faibles.
L’après-Bush a déjà commencé, comme le montrent les nombreux films grand public qui sortent pour dénoncer les mensonges et les manipulations de l’administration américaine. Et les médias ne craignent plus de paraître antipatriotiques en critiquant Guantanamo ou la surenchère guerrière. Cependant l’opposition politique n’a pas encore trouvé la relève car elle doit d’abord mesurer les évolutions d’une population très composite.
La campagne électorale précoce s’annonce passionnante, d’autant que l’affrontement traditionnel entre républicains et démocrates ne reconduit pas exactement ses lignes de partage. Le succès présent de Rudy Giuliani parmi les prétendants républicains signale un tel déplacement. Marié trois fois, favorable au droit à l’avortement et au mariage homosexuel, il déroge au profil attendu. Certes, il soutient les faucons pour bombarder l’Iran et prône un allégement des impôts, mais ses positions indiquent que l’ordre moral n’est plus une priorité des électeurs. Sa désignation sonnerait la défaite de la droite religieuse.
Bas les masques. Du côté démocrate, l’avance confortable d’Hillary Clinton ne peut masquer son attentisme politique en passe d’éclater sur les questions sociales. Samedi dernier, son principal concurrent Barak Obama fut l’invité surprise d’une émission télévisée qui présentait une parodie des Clinton recevant les prétendants démocrates le soir d’Halloween. Un faux Richardson venait proposer à Hillary les voix des Hispaniques pour devenir son vice-président. Puis Obama surgit et enleva son déguisement de candidat noir pour apparaître lui-même. «Bas les masques !», sembla signifier ce jeune candidat qui veut incarner une nouvelle Amérique.
En attendant cette vérité, les relations franco-américaines sont condamnées à la parodie, celle de George Washington et La Fayette en habits d’Halloween. En Europe, les pro et les antiaméricains s’imaginent toujours l’Amérique comme un bloc de puissance alors qu’elle est en pleine recomposition. Plutôt que jouer la comédie du remariage, la diplomatie française doit se poser cette question: comment adresser son désir d’amour quand l’autre ne sait plus qui il est ni où il va ?
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