martes, marzo 30, 2010

Pas de chichis à la présidence


Le 1er mars dernier, en Uruguay, tous les projecteurs se sont braqués sur Lucía Topolansky, la présidente du Parlement. C’est à elle que revenait l’honneur de présider la cérémonie d’investiture du nouveau président de la République, José “Pepe” Mujica, lequel se trouve par ailleurs être son compagnon depuis plus de quarante ans ! L’impétrant n’avait pas jugé bon de mettre une cravate pour son entrée au palais législatif, mais cela n’a pas gêné Lucía, à qui il ne viendrait pas à l’idée de porter des talons aiguilles. “Je ne suis ni Carla Bruni ni Michelle Obama, qui sont jeunes et élégantes”, a-t-elle expliqué.

En Uruguay, du point de vue institutionnel, le personnage de première dame n’existe pas. Si l’on en croit Lucía, cette fonction n’est d’ailleurs pas indispensable à la vie démocratique. “Ce qui ne veut pas dire que je n’accompagnerai pas mon mari dans ses voyages à l’étranger, ajoute-t-elle. Au Parlement, mes responsabilités peuvent être assumées par d’autres.” Installé au sommet de la hiérarchie politique en Uruguay, le couple présidentiel continue de vivre à Rincón del Cerro, non loin de Montevideo, dans une ferme achetée à crédit après l’amnistie de 1985. “Nous resterons chez nous, nous y habitons depuis très longtemps et le président n’est ici qu’un citoyen parmi d’autres”, déclare Lucía pour justifier leur refus d’habiter la résidence officielle des présidents uruguayens. Elle admet que ce serait un sacrifice insupportable que de devoir se séparer de sa plantation de chrysanthèmes, dont elle attend avec impatience – comme Pepe – la floraison pour la fin mars.

Lucía a connu Pepe au sein du Mouvement de libération nationale-­Tupamaros (MLN-T), où elle militait depuis 1969. Alors âgée de 25 ans, elle était blonde et jolie. Avec sa sœur jumelle, María Elia, elle étudiait l’architecture à l’université de la République, le centre névralgique des mobilisations de gauche durant les années qui ont précédé le coup d’Etat militaire de 1973.

Sa sœur María Elia est entrée la première dans la clandestinité, en 1967, au grand dam de sa mère, Elia Saavedra, héritière de fazendeiros espagnols installés dans les environs du Río de la Plata en 1777, et de son père, Luis Topolansky, fils d’un ingénieur austro-hongrois qui s’était pris de passion pour l’Uruguay lors d’un déplacement professionnel en 1890. Lucía a été arrêtée en juillet 1970 et détenue dans la prison pour femmes de Cabildo, où sa jumelle a également été internée en mars 1971. Les deux sœurs réussirent à s’en évader quatre mois plus tard. “Les compagnons du mouvement avaient creusé un tunnel depuis les égouts jusqu’à notre cellule”, raconte Sonia Mosquera, une psychologue qui croupissait dans la même cellule.

Sitôt évadées, elles reprennent leurs activités au service du MLN. Lucía est chargée de la propagande (diffusion des communiqués et distribution des tracts). Elle est à nouveau arrêtée en août 1972 et passe les treize années suivantes dans la prison militaire de Punta de Rieles, à Montevideo. Le 10 mars 1985, Lucía Topolansky est amnistiée et reprend la vie commune avec Pepe. A 40 ans, elle trouve un emploi de cantinière à l’école d’architecture. En 1989, elle participe à la fondation du parti dont elle est aujourd’hui tête de liste, le Mouvement de participation populaire, qui participe à la coalition de gauche Frente Amplio.

Elle arrive en 2004 au Parlement et, la même année, assume les fonctions de sénatrice en tant que suppléante de Mujica, qui s’est vu offrir un portefeuille au gouvernement de Tabaré Vázquez et qu’elle épouse en 2005. Elue sénatrice en 2009, elle recueille le plus grand nombre de voix sur une liste qui défend avant tout la construction de logements sociaux.

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