FOOTBALL-Les Iraniennes hors jeu

En dépit de leurs exploits sur le terrain, les footballeuses iraniennes n'ont pas eu droit à leur minute de gloire dans les médias locaux. Une situation qui ne manque pas d'agacer le mensuel féministe Zanan.

La qualification de l'équipe féminine d'Iran de football pour la phase finale de la Coupe d'Asie des nations après sa victoire surprise 4 à 1 face à l'Inde constitue un événement majeur de l'histoire du sport iranien. L'équipe nationale indienne de football, qui a beaucoup investi dans ce genre de compétition depuis une douzaine d'années, a donc été battue par des footballeuses iraniennes bien moins expérimentées et qui de surcroît doivent évoluer avec une tenue sportive particulière [islamique]. Ce qu'elles ont réalisé est donc loin d'être banal. Pourtant, ce succès historique risque de tomber rapidement aux oubliettes puisqu'il n'existe malheureusement aucune image de ce match disputé, le 27 octobre dernier, dans le stade Ararat de Téhéran.

Les joueuses iraniennes avaient revêtu leur tenue islamique. Et pourtant, aucune femme photographe n'a été autorisée à assister à ce match. Même les spectateurs, qui étaient pour le coup toutes des spectatrices, ont été soumis à une fouille corporelle minutieuse afin de s'assurer qu'aucun téléphone portable muni d'appareil photo ne pénètre dans le stade. L'annonce de la victoire a été illustrée dans la presse par de vieilles photos d'archives totalement inadaptées. De même, la qualification n'a fait l'objet que d'une brève dans l'émission phare de football de la chaîne publique iranienne.

Rien ne peut justifier l'interdiction de la présence de femmes photographes pendant la rencontre face à l'Inde, même si les journaux iraniens sont effectivement tenus de respecter certaines règles en matière de couverture du football féminin, y compris pour les matchs se déroulant à l'étranger. La presse iranienne ne peut diffuser, lors de matchs internationaux, que des photos de joueuses et de spectatrices iraniennes. Voilà pourquoi il était impossible de diffuser des photos montrant les joueuses indiennes, qui ne portaient pas de tenue islamique.

L'absence d'un témoignage photographique de cette rencontre qui a débouché sur la première qualification de l'équipe féminine d'Iran pour le plus grand événement footballistique féminin en Asie est vraiment regrettable. Il n'existe ainsi aucune image des buts inscrits par Bayan Mahmoudi ou des dribbles de Farashteh Karimi. On ne trouve pas non plus de photos montrant la joie des joueuses après leur victoire et celle des spectatrices qui ont encouragé leur équipe avec passion.

Malheureusement, de la même façon que les femmes ne sont pas autorisées à assister aux rencontres masculines de football, les hommes ne peuvent non plus assister aux matchs de l'équipe nationale féminine d'Iran. J'aurais au moins espéré pouvoir voir quelques photos de cette victoire qui fera date dans l'histoire du ballon rond, mais, au lieu de cela, et pour des raisons irrecevables, on a dû se contenter de vieilles images sans valeur. Il faut donc espérer que notre mémoire historique sera suffisamment forte pour pouvoir garder, en l'absence de toute trace photographique, le souvenir de cet exploit et le transmettre aux générations futures.

Amir Alizadeh,
Zanan