jueves, junio 03, 2010

Hatoyama, histoire d'un échec annoncé



Asahi Shimbun

Si le Premier ministre Yukio Hatoyama a présenté sa démission, c’est pour permettre à son parti de franchir tant bien que mal le cap des élections sénatoriales de juillet. Le but de l’opération est évident. Il n’y a pas à se tromper. En décidant de maintenir la base américaine de Futenma à Okinawa, M. Hatoyama a fait un sérieux faux-pas, à la suite duquel le Parti social-démocrate a quitté, le 30 mai, la coalition gouvernementale. Des voix se sont alors élevées au sein de sa propre formation, le Parti démocrate, pour réclamer son départ. M. Hatoyama a certes commis une grave erreur. La légèreté de ses propos et l’incongruité de ses jugements sont évidentes, et pas seulement dans le domaine de la politique extérieure et du maintien de la sécurité. La remise en question de sa capacité à diriger le pays et la chute du taux de soutien du gouvernement à un niveau critique montrent que l’opinion publique est en train de tourner le dos au Premier ministre.

Du temps des gouvernements libéraux-démocrates, il ne fait aucun doute que M. Hatoyama aurait été poussé vers la sortie. Le remplacement de Yoshiro Mori par Junichiro Koizumi en 2001 en a été un exemple frappant. En changeant de capitaine, le parti espérait éviter les intempéries.
Mais ne sommes-nous pas entrés dans une ère radicalement différente ? Le changement de gouvernement de l’an dernier n’était-il pas censé en finir avec le règne libéral-démocrate, dans lequel un seul parti monopolisait le pouvoir en ignorant les intérêts des contribuables et n’agissant qu’à sa convenance ? Et n’est-ce pas le parti de M. Hatoyama qui a pris la tête du mouvement et recueilli un nombre considérable de suffrages en ralliant les électeurs à sa cause ? Dans cette ère nouvelle, le choix politique est censé avoir une réelle importance : les électeurs se déterminent en comparant les capacités des partis à gouverner en fonction de l’aptitude de leurs dirigeants, de l’orientation de leurs idées et de leurs programmes et de la nature et de la forme de leur politique.

Même si le gouvernement Hatoyama donne l’impression d’avoir perdu de vue son objectif initial, ses efforts pour introduire un changement radical dans la nature de la politique revêtent une importance capitale. Si l’on doit pousser à la démission un ministre issu d’un tel mouvement, ne faudrait-il pas dissoudre le Parlement et convoquer des législatives dans les plus brefs délais pour que les électeurs puissent renouveler leur choix politique ? Si le Parti démocrate se contente de nommer un autre Premier ministre, cela reviendra pour lui à se renier. La première chose à faire est de tirer les leçons des huit mois passés au pouvoir et de réfléchir sérieusement aux changements qui s’imposent.

Pourquoi les attentes dans ce gouvernement ont-elles fléchi à ce point ? Il y a bien sûr la question des rapports entre argent et politique, mais la capacité de gouvernement du parti de M. Hatoyama a atteint ses limites. En particulier, il n’a pas rempli correctement ses engagements électoraux. Que ce soit pour la révision du budget ou pour le transfert de la base de Futenma, ses paroles n’ont pas été suivies d’actes. Sans être certain de disposer des financements nécessaires, il a également pris des mesures lucratives contraires à ses principes. On pourrait le pardonner s’il avait échoué dans ses efforts, mais on peut se demander si, dès le départ, il avait vraiment l’intention de tenir ses promesses. L’important, aujourd’hui, est que, tout en restant fidèle à ses idées et ses positions, il revoie ses engagements pour les rendre réalisables et qu’il les soumette à une consultation électorale. Le gouvernement n’a pas d’autre solution s’il veut retrouver toute la confiance qu’il a perdue. Même pour le Parti démocrate, consacrer ce temps à des rumeurs de démission est absurde.

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